Bonjour à tous,
Je profite de ma journée en solitaire pour mettre quelques nouvelles de cette dernière semaine au Kénya. Il faut bien dire qu'elle fut des plus dépaysantes et m'a certainement permis de mettre l'école loin à l'arrière de ma tête.
Comme beaucoup d'entre vous le savez, Gaël et Alexia ont décidé d'exploser leur compte en banque et de venir passer quinze jours chez moi. Premier voyage en Afrique noire pour tous les deux, je peux vous promettre qu'ils s'en sont pris plein les mirettes et qu'il fut dur de se séparer à l'aéroport hier soir.
Le but premier de leur voyage était l'ascension du Mont Kénya, réalisée sous cinq jours et peu de sommeil. Ce fut une expérience intense, hors du commun, émouvante à souhait. J'espère que les photos et le récit ci-dessous sera à la hauteur de cette randonnée en haute altitude.
Day One: En route pour Nanyuki
Les routes kényanes sont toujours un grand bonheur et un grand hasard. Il faut prévoir beaucoup de temps pour arriver à destination, peu importe la direction. Aujourd'hui, nous prenons la route du nord-est, contemplant tous les 20km les différentes spécialités locales et les paysages changeant constamment.
La région du riz
Parfois les arrières de camion parlent pour nous...
Les pieds dans deux hémisphères!
Eh oui, il doit y avoir un couple de français ici!
Nous passons la soirée dans la ville, avec un dernier bon resto et un lit confortable pour s'assurer d'avoir des forces demain. La carafe de blanc aura peut-être été la seule erreur de la soirée, quoiqu'elle nous a permis de dormir comme des masses dans un hôtel aussi peu cher que bruyant!
Day Two: un début en douceur
En ce dimanche des Rameaux, les locaux défilent dans les rues de Nanyuki alors que nous sortons de notre petit déj' au café Vision. Dernier achat de graines et autres fruits secs avant de prendre la route vers l'entrée du parc. Nous savons que la journée sera facile et les sourires sont sur tous les visages.
Défilé des Rameaux devant le Mont Kénya
Après 9km sur un chemin plutôt rock'n'roll, nous arrivons
à notre point de départ, tout propres et motivés. Christian,
notre guide, sait ce qui nous attend!
La balade de 3 heures aujourd'hui est chaude et poussièreuse. Il n'a pas plu en bas et nous faisons voler la cendre à chaque pas jusqu'à notre arrivée à notre premier camp, Old Moses. En chemin, nous entendons des éléphants, des colobes et reconnaissons des traces de léopard. Nous sommes entourés mais rien de trop gros n'est visible, d'une certaine manière une bonne chose! La faune et la flore commencent à se distinguer de ce que j'ai pu voir jusqu'à présent ici quand nous atteignons les 3300 mètres.
Souimanga de Johnston
Francolin de Jackson
Toujours très cool...
Nous passerons la nuit là, au milieu des vents pas chauds
et des bruits de hibou après une partie de Time's Up improvisée
pour nous faire oublier qu'il fait froid.
Day Three: Un monde à part à portée de chaussures
Notre premier pas sera suivi de milliers d'autres aujourd'hui puisque nous partons pour 8 heures de marche. Nous prions tous que nos chaussures soient les bonnes, loin des ampoules et autres maux. Direction la vallée de Mackinder, après le passage de deux mini-cols et deux belles rivières encaissées. Nous rencontrons de nouveaux specimens toutes les dix minutes et l'on s'extasie devant l'adapation de la nature à des conditions plus que particulières.
Tentative de Titanic presque risible...
L'esprit est toujours au beau fixe et à la blague sur des chemins
plutôt tranquilles pour les jambes dans l'ensemble.
Rivière Ontulili
Lobelia deckenii
Rivière Liki North
Ils ont l'air tout petit nos amis!
Le brouillard nous rattrape quand nous basculons dans la vallée de Mackinder. Nous commençons à réaliser que nous allons nous geler de plus en plus, ayant déjà sur les fesses la plupart de nos épaisseurs. L'atmosphère est mystique, les nuages se déplacent à une vitesse ahurissante sous nos yeux émerveillés.
Un rufipenne morio nous fait un petit show de voltige.
Nous ne sommes vraiment que peu de choses dans ces
décors aux dimensions vertigineuses.
Pause déjeuner, nous apprécions les pâtes chinoises
bien chaudes préparées par notre chef ambulant.
La vallée que nous parcourons pendant quelques heures est
peuplée de plantes des plus intrigantes.
Gaël ne sait plus où donner de la tête au milieu de cette
forêt de séneçons géants.
Inflorescence de
lobelia telkii ou les cheveux de Marge Simpson!
Ses poils étaient vraiment très doux.
Séneçon "chou"
Sai au milieu des
dendrosenecio keniodendron
Nous savons maintenant où nous allons: tout au bout
de la vallée avant l'ascension.
Mousses aux couleurs incongrues
14km plus tard, nous arrivons au deuxième camp!
Arrivée du grand froid dès que le soleil se couche, nous nous réfugions dans la "salle à manger" pour nous gaver de thé et de riz aux légumes. Nous savons que la nuit va être dure sous la tente, dont les parois sont déjà gelées à 19h30 quand nous allons nous coucher. Malgré nos Damart et 5 autres épaisseurs, le froid est ciglant et nous ne fermerons quasiment pas l'œil de la nuit.
Day Four: Le sommet
Christian vient nous "réveiller" à 2h30 du mat'. Il est très dur de se changer et de se motiver à sortir de la tente. Pourtant c'est le grand jour, la raison pour laquelle on s'est caillés toute la nuit. La frontale bien ajustée, nous entamons ce qui fut sûrement la chose la plus difficile que j'ai réalisé: trois heures de marche dans la nuit noire, la peau cinglée par la neige et les vents, ne voyant qu'à peu près où nous mettons les pieds. Les pauses sont fréquentes mais courtes car nous nous refroidissons très vite arrêtés. Les jambes se font lourdes, douloureuses. L'altitude commence à vraiment faire effet, avec une envie de vomir quasi constante. Et puis...
... nous y sommes, juste avant le lever du soleil!
Nous sommes tous frigorifiés mais c'est Alex qui le montre le mieux!
Les émotions prennent le dessus à ce moment-là. Les larmes coulent de douleurs physiques et d'émerveillement face à ce spectacle hallucinant. Nous surplombons la quasi totalité du Kénya, les paysages changent à chaque seconde, au gré des vents et des nuages. Sai remercie Dieu, nous buvons le thé le plus réconfortant de notre vie en tentant de faire disparaitre nos engelures.
Après une heure à 4985m, nous quittons Lenana pour redescendre vers Camp Shipton. Nous nous rendons compte de ce que nous avons traversé de nuit, nous nous abreuvons des paysages, malgré des genous flageolants. Ce n'est que le début d'une longue descente.
Une définition photographique du mot immensité...
Notre camp est en bas, vert et abandonné,
où nous attend un petit déjeuner revigorant.
Nous reprenons la même route qu'à l'aller, sous la pluie et la grêle. Les pas se déroulent, nous sommes sur un faux-plat version descente, cela fait presque du bien aux muscles que de travailler comme cela.
Les damans des rochers jouent à cache-cache.
21km et nous atteignons de nouveau Old Moses Camp. Nous nous empressons de manger et d'aller nous réfugier dans nos tentes pour récupérer de cette journée sans fin. Crevés mais ravis, nous nous endormons en nous refaisant le film d'une journée hors du commun.
Day Five: This is the end...
8h, le campement est démonté, le petit déj' gloutonné et l'équipe se réunit une dernière fois avant les deux heures de marche qu'il nous reste à effectuer. Sans l'assistance des 8 personnes ci-dessous, il nous aurait été pratiquement impossible d'achever notre mission. Nous leur devons beaucoup et nous exprimons les uns après les autres notre éternelle gratitude.
Et voilà, nous en avons même oublié de faire la photo de fin, avec les traces de fatigue et le manque de douche pendant 4 jours. Nous rentrerons sur Nairobi vers 17h, absolument exténués et près à nous taper un super repas de chez Anghitis, notre resto indien préféré. Douches, diaporama des photos, nous nous coucherons comme des poules, après avoir eu, pour ma part, beaucoup de mal à monter les quelques escaliers qui me séparent de ma chambre.
Rien que de taper ceci aujourd'hui, une grosse boule d'émotion me noue la gorge. Certes Seb, ce n'est pas le record du groupe mais je reste convaincue que cela fut l'une des plus belles expériences de ma vie, de part son intensité et sa beauté.
Merci à vous Gaël et Alexia d'avoir fait ce voyage mystique avec moi. Il fallait des gens spéciaux pour réaliser cette entreprise et vous avez été de parfaits compagnons de marche, dans le rire et la douleur.
Sai, you've been an absolute star over the past five days and I'm eternally greatful for your support and your bouts of laughter that have made it a lot easier for everyone.
Christian, Geofrrey and the crew, thank you so much for your help and your open-mindness. We wouldn't have made without you and your
joie de vivre helped us go beyond our potential.
Kka xx